Les États-Unis sont-ils réellement en récession ?

Les États-Unis ont enregistré deux trimestres consécutifs de « croissance négative » – une expression maladroite qui signifie que la production mesurée par le produit intérieur brut (PIB) a baissé. (J’aimerais bien que mon poids affiche une « croissance négative » également !) Le PIB du T1 a diminué de 1,6 % en glissement trimestriel annualisé et désaisonnalisé (SAAR). Cela qui signifie qu’il a baissé de 0,4 % en glissement trimestriel et que, si cela s’était poursuivi pendant un an à ce rythme, il aurait diminué de 1,6 %. Jeudi, nous avons appris que le PIB du T2 était en baisse de 0,9 % en glissement trimestriel SAAR, ou -0,2 % en glissement trimestriel classique. Selon la règle empirique généralement acceptée, deux trimestres consécutifs de contraction du PIB constituent une récession. Cela signifie que les États-Unis sont maintenant en récession, n’est-ce pas ?

Pas tout à fait. Bien qu’il s’agisse de la « règle empirique » informelle que beaucoup de commentateurs utilisent, ce n’est pas la façon dont elle est officiellement déterminée. La tâche de déterminer les récessions incombe au National Bureau of Economic Research (NBER), un organisme indépendant soutenu par des subventions d’organismes gouvernementaux, de fondations privées et d’entreprises. Il est régi par un conseil d’administration composé de 51 membres issus d’universités de recherche nord-américaines de premier plan, d’organisations professionnelles en économie et de communautés d’affaires et de travailleurs. Il est apolitique et mène des recherches, mais ne formule pas de recommandations stratégiques ni ne préconise de solutions sur la base des résultats de ses recherches. Il a un nombre presque infini de programmes, de projets, de groupes de travail, etc. et publie un grand nombre d’articles.

Le NBER est surtout connu du grand public (voire pas du tout) pour son comité de datation du cycle économique. Il s’agit d’un comité de huit économistes qui décide rétrospectivement des pics et des creux de l’économie américaine. Il définit une récession comme « la période entre un pic d’activité économique et son creux subséquent, ou point le plus bas ». C’est-à-dire que lorsque l’économie n’est pas en expansion, elle est considérée comme étant en récession.

Comment définissent-ils une récession ? « La définition du NBER souligne qu’une récession implique un déclin important de l’activité économique, réparti dans l’ensemble de l’économie et durant plus de quelques mois. Selon notre interprétation de cette définition, nous traitons les trois critères – profondeur, diffusion et durée – comme relativement interchangeables. »

Quels critères utilisent-ils spécifiquement ?

« Parce qu’une récession doit influencer l’économie au sens large et ne pas se limiter à un seul secteur, le comité met l’accent sur les mesures de l’activité à l’échelle de l’économie… Il s’agit notamment du revenu personnel réel moins les transferts, de l’emploi salarié non agricole, de l’emploi tel que mesuré par l’enquête auprès des ménages, des dépenses réelles de consommation personnelle, des ventes en gros et au détail ajustées pour tenir compte des variations de prix et de la production industrielle. Il n’y a pas de règle fixe sur les mesures qui fournissent des informations au processus ou sur la façon dont elles sont pondérées dans nos décisions. »

En d’autres termes, l’organisme n’utilise aucune définition formelle d’une récession – il dit simplement que « nous le saurons quand nous la verrons ».

Regardons les mesures qu’ils spécifient et comment ils s’en sortent.
Revenus personnels hors transferts courants : en hausse de 1,8 % d’une année sur l’autre. Aucun signe de récession ici.

Emploi : toujours en hausse. Pas de récession ici non plus.

Dépenses réelles de consommation personnelle : en hausse de 2,1 % en glissement annuel. Le chiffre de mai (le plus récent) était un peu inférieur à celui d’avril, qui a constitué un pic (13,895 milliards de dollars contre 13,95 milliards de dollars), mais cela ne ressemble pas non plus à une récession.

Ventes en gros et au détail réelles : des informations intéressantes ici ! Les ventes au détail réelles sont en effet devenues négatives. Le premier indice d’une récession ! Cependant, les ventes en gros réelles soient toujours en hausse de 3,8 % en glissement annuel.

Production industrielle : en hausse de 4,2 % en glissement annuel au cours du dernier mois. Rien à voir ici non plus.

En bref, le PIB américain a peut-être chuté pendant deux trimestres consécutifs, il n’existe presque aucun signe que les États-Unis s’approchent d’une récession, ni n’en vive une actuellement. Le comité du NBER a déclaré : « Au cours des dernières décennies, les deux mesures auxquelles nous avons accordé le plus de poids sont le revenu personnel réel moins les transferts et l’emploi salarié non agricole. » Ces deux mesures ne montrent aucun signe de récession.

Alors que certaines personnes – notamment les Républicains qui cherchent à salir l’administration Biden – tenteront de dépeindre les États-Unis comme étant en récession suite à deux trimestres consécutifs de contraction du PIB, il est hautement improbable que cette période soit en effet officiellement qualifiée de récession. Cela ne veut pas dire que nous n’en vivrons pas une à l’avenir, voire très bientôt, juste que cela ne se produit pas à l’heure actuelle. 

 

La semaine prochaine : la RBA, la Banque d’Angleterre et de nombreuses données sur l’emploi

Le défilé des hausses de taux se poursuit la semaine prochaine avec la Reserve Bank of Australia (RBA) mardi et la Banque d’Angleterre jeudi.

Les prévisions du marché pour la RBA sont de +50 pb. Cela semble à peu près correct ces jours-ci.

Comme vous vous en souvenez peut-être, nous venons d’obtenir mercredi l’indice des prix à la consommation (IPC) du 2e trimestre de l’Australie. Il n’était pas aussi mauvais que prévu, mais cela reste très mauvais : l’inflation globale est passée de 5,1 % en glissement annuel à 6,1 % en glissement annuel. Le de +1,8 % en glissement trimestriel est assez proche de l’objectif de la RBA pour une année entière d’inflation (2 à 3 %). Les deux mesures de l’inflation sous-jacente s’envolent également bien au-dessus de la cible. Faut-il en dire plus ?

Sans aucun signe de ralentissement de l’inflation, la RBA va devoir prendre des mesures fortes. Elle a augmenté son taux de 25 pb en mai, de 50 pb en juin, de 50 pb en juillet… 50 autres points de base semblent être à l’ordre du jour au moins. Les indications prospectives continueront probablement de dire que le Conseil « s’attend à prendre de nouvelles mesures dans le processus de normalisation des conditions monétaires en Australie au cours des mois à venir », attendez-vous donc à nouvelles hausses de taux.

Les marchés attendront également avec impatience les prévisions révisées de la RBA vendredi avec la publication de la Déclaration de politique monétaire d’août.

Les marchés ne sont toutefois pas certain des actions de la Banque d’Angleterre. Ils envisagent une hausse probable d’environ 40 points de base, c’est-à-dire probablement 50 pb, sans certitude.

L’un des problèmes est qu’il s’agira de la dernière réunion du Comité de politique monétaire (CPM) Michael Saunders, partisan d’une politique monétaire très agressive, qui sera remplacé par la plus conciliante (a priori) Swati Dhingra. Dès lors, ceux qui veulent voir une hausse de 50 pb vont devoir faire beaucoup d’efforts. Jusqu’à présent, la banque centrale de Threadneedle Street a été l’une des plus conservatrices ; elle a augmenté son taux directeur de 15 pb en décembre dernier, puis de 25 pb en février, mars’ mai et juin.

Cependant, comme je l’ai dit en juin dans mes Perspectives hebdomadaires, 50 est le nouveau 25. Étant donné que presque toutes les autres banques centrales augmentent de 50 points de base et qu’une livre sterling faible fait monter les prix, je pense que la Banque d’Angleterre devra probablement opter pour 50 points de base cette fois-ci.  Lors de sa dernière réunion, en juin, le MPC a déclaré qu’il « sera particulièrement attentif aux indications de pressions inflationnistes plus persistantes et, si nécessaire, y répondra avec force ».  Si l’inflation globale à 9,4 % en glissement annuel, contre 9,0 % la dernière fois qu’ils se sont réunis, ne répond pas à ce critère, alors peut-être que le taux trimestriel annualisé de 18,1 % en glissement annuel y répondra. À mon avis, ne pas augmenter le taux de 50 points de base serait négatif pour la livre sterling.

Ailleurs, cette semaine sera focalisée sur les indicateurs du marché du travail, la pièce de résistance étant bien sûr les salaires non agricoles (NFP) américains de vendredi.

En France, les prévisions des NFP me donnent un sentiment de déjà vu – ce sont les mêmes prévisions que le mois dernier : NFP à +250 000, taux de chômage de 3,6 % (ce qui serait le cinquième mois consécutif à ce taux).

Le salaire horaire moyen devrait baisser de 10 points de base pour s’établir à 5,0 %. C’est bien en dessous du taux d’inflation de 9,1 %, ce qui signifie que les travailleurs sont toujours piégés, mais il est supérieur au taux d’inflation préféré de la Fed de 2 %, ce qui est suffisant pour faire grimper l’inflation à l’avenir.

Nous recevons également l’enquête sur les offres d’emploi et le roulement de la main-d’œuvre (JOLTS) mardi. Il ne devrait afficher qu’une baisse modeste de 260 000 offres d’emploi.

À ce rythme, il y aurait encore environ 1,86 offre d’emploi pour chaque chômeur.

Qu’a dit le président de la Fed, Jerome Powell, au sujet de l’emploi lors de sa conférence de presse mercredi ?

« … Le marché du travail est resté extrêmement tendu, avec un taux de chômage proche de son plus bas niveau en 50 ans, des postes vacants proches de sommets historiques et une croissance des salaires élevée… La demande de main-d’œuvre est très forte, tandis que l’offre de main-d’œuvre reste modérée, le taux d’activité ayant peu varié depuis janvier. Dans l’ensemble, la vigueur continue du marché du travail suggère que la demande globale sous-jacente reste solide. »

Ces chiffres ne feront rien pour persuader qui que ce soit que la situation a changé. Même si le NFP baisse sous la moyenne semestrielle de 461 000, une augmentation de 250 000 travailleurs serait substantielle. Les données telles que prévues devraient convaincre la Fed que « la demande globale sous-jacente reste solide » et qu’elle peut continuer à relever les taux = USD+.

Néanmoins, l’impact sur le marché des changes pourrait être faible car, bien entendu, tout le monde le sait déjà. Ce ne serait pas une surprise. Pour les surprises, nous devrions examiner de plus près le salaire horaire moyen (AHE). Je pense que l’AHE est la partie la plus importante des données, car c’est l’inflation qui inquiète le plus la Fed, pas le marché du travail, et les salaires ont l’impact le plus direct sur l’inflation.

Parmi les autres pays qui publieront leurs données sur l’emploi la semaine prochaine, mentionnons :

UE (lundi) ; ce n’est pas particulièrement important pour l’UE, car la Banque centrale européenne (BCE) n’a pas de « double mandat » qui l’oblige à surveiller également l’emploi. Elle est seulement tenue de se concentrer sur l’inflation. Pour information, le chômage de la zone euro devrait rester au plus bas niveau du mois dernier, soit 6,6 % (données remontant à 1998).

Nouvelle-Zélande (mercredi) : la Nouvelle-Zélande a un double mandat, mais l’emploi n’est pas une contrainte pour la Reserve Bank of New Zealand (RBNZ) pour le moment, car il est déjà bien au-dessus des niveaux d’avant la pandémie et le taux de chômage est à un niveau record de 3,2 (données remontant à 1985). Le chômage devrait également baisser ce trimestre et le nombre de personnes actives devrait encore augmenter. Cela permettra à la RBNZ de rester libre de relever davantage ses taux, ce qui devrait être positif pour le NZD.

Canada : comme d’habitude, le Canada publiera ses données sur l’emploi à la même heure vendredi que les États-Unis. Le taux de chômage au Canada devrait se maintenir au niveau historiquement bas de 4,9 % (données remontant à 1976), tandis que le nombre de personnes actives ne devrait augmenter que de 16 000, soit environ la moitié de la moyenne sur six mois de 37 000. Le Canada est-il aussi à court de gens qui veulent travailler mais qui ne peuvent pas trouver d’emploi ?

Dans l’ensemble, les données sur l’emploi de la semaine à venir devraient montrer que la situation de l’emploi est saine dans la plupart des pays. Si l’on considère les pays du G10 (y compris plusieurs pays de la zone euro), seuls quatre d’entre eux n’ont pas encore retrouvé le niveau d’emploi d’avant la pandémie : le Japon, les États-Unis, l’Italie et le Royaume-Uni.

Voici d’autres indicateurs et événements importants à venir au cours de la semaine :

Les indices des directeurs d’achat (PMI) pour juillet, les finaux pour les pays qui ont des versions préliminaires et les seuls pour ceux qui n’ont qu’une version finale : l’industrie manufacturière lundi, le secteur des services mercredi. (L’Australie, la Suisse et le Canada arriveront plus tard en raison d’un jour férié dans leur pays). Suivront bien sûr les versions étroitement surveillées de l’Institut américain de gestion de l’offre (ISM) pour les États-Unis.

L’OPEP+ se réunit mercredi. Elle a ramené sa production au niveau d’avant la pandémie et son accord de quota expire le mois prochain, de sorte que les pays constitutifs pourraient avoir plus de marge de manœuvre – en théorie. En fait, la plupart des producteurs extraient déjà autant de pétrole que possible. Seuls quelques-uns, l’Arabie saoudite principalement, ont la possibilité d’augmenter leur production s’ils le souhaitaient. De son côté, le président américain Joe Biden souhaite les pousser à augmenter leur production et l’a demandé aux Saoudiens lors de sa visite dans le royaume à la mi-juillet. La façon dont les Saoudiens répondront à la demande des États-Unis sera au centre de cette réunion.

Parmi les autres indicateurs attendus cette semaine, on peut citer :

  • États-Unis : commandes d’usines (mer) et balance commerciale (jeudi)
  • UE : IPP et ventes au détail (mercredi)
  • Royaume-Uni : prix des maisons à l’échelle nationale (mardi)

AU : approbations de permis de construire (mardi), balance commerciale (jeudi)

Marshall Gittler

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